Ce que font les anarchistes au lieu de voter


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Traduit et adapté de l’anglais par le groupe La Révolte d’après un texte de l’Anarchist Federation (UK)

De nouvelles élections approchent et, comme toujours, deviennent le seul sujet qui intéresse les grands médias et les partis politiques, reléguant les luttes sociales à l’arrière-plan, ou pire, les récupérant pour en faire des arguments de campagne. Pas besoin d’être anarchiste pour savoir que, quel que soit le vainqueur, rien ne change. Les bases du système resteront encore et toujours les mêmes ! Voilà la raison pour laquelle les politicien·nes s’efforcent de récupérer les électeurs et les électrices par tous les moyens : Socialistes, Républicains, Marcheurs, Écolos,partis «de gauche» (LFI, PCF) sans oublier les nationalistes décérébré·es (RN, Debout la France, UPR).
Que nous gardions le système électoral majoritaire de la Vème République, ou que nous
passions à un système plus proportionnel ; quel que soit le nombre de personnes qui votent ou ne votent pas à une élection ou à un référendum (comme en 2005), le capitalisme reste et restera aux commandes partout dans le monde. Nous restons exploité·es dans la sphère économique, quand bien même nous
participons à des élections ou non. Les capitalistes, qu’ils soient des gestionnaires financiers ou des « capitaines d’industries », qu’ils viennent de France ou de n’importe quel pays, continuent de contrôler les richesses que nous produisons et à protéger leur mainmise à l’aide de la police, de la justice et de l’armée.

« Tu ne peux pas te plaindre »

Les abstentionnistes s’entendent dire : « Si vous ne votez pas, ne venez pas vous plaindre ». Mais voter dans une telle situation, c’est prétendre que notre système politique est acceptable, le légitimer, et aussi permettre aux partis gagnants de ne plus assumer leurs responsabilités, alors que ces derniers sont au pouvoir depuis des décennies. En vérité, nous n’avons quasiment pas notre mot à dire dans les décisions prises par les personnes que nous élisons. C’est cela « la démocratie représentative ». Nous, anarchistes, nous organisons selon les principes du «fédéralisme libertaire». Il permet de faire entendre notre voix dans chaque décision, si nous désirons nous exprimer bien sûr. Ainsi, nous ne déléguons pas notre capacité de décision aux mains d’autres personnes. Pour réaliser des tâches plus spécifiques, nous fonctionnons selon les principes du mandat impératif : nous mandatons une personne ou un groupe révocable à tout moment et responsable devant la base pour réaliser des tâches précisément et collectivement définies, plutôt que pour prendre des décisions à notre place.

Faire campagne contre le vote

Une campagne « Non au vote » ou « Élections, piège à cons » est une pure perte de temps. Il en va de même s’agissant des votes de protestation en faveur des « extrêmes ». Le temps et l’argent dépensés à mener campagne seraient mieux employés à résoudre certains des problèmes que nous rencontrons dans nos vies. Protester, en raturant un bulletin ou en défilant sagement dans les rues, ne suffit pas à instaurer un véritable rapport de force. Finalement, aux yeux des anarchistes, que vous votiez ou non ne fera aucune différence. Le plus important, c’est de bien se rendre compte que les élections ne sont là que pour justifier un système fondamentalement corrompu et nous détourner des luttes qui mèneront à un changement réel.

Ne votez pas, organisez-vous !

Ce que nous proposons, c’est de nous rassembler avec nos voisin.es et nos collègues, avec les personnes qui partagent nos intérêts et ne bénéficient pas des mêmes privilèges que d’autres, avec tou·tes les dominé·es, les exclu·es, les précaires. Nous sommes les mieux placé·es pour déterminer nos besoins et organiser la société en vue du bien commun. Pour que cela devienne possible, nous devons pratiquer l’action directe, c’est-à-dire que nous devons résoudre nos problèmes sans être représenté·es par d’autres. Nous appelons à aller plus loin que les protestations et les demandes de changements : nous appelons à des occupations ou à des sabotages. Nous appelons à refuser de payer aux grandes chaînes de magasins les denrées que nous avons produites en tant que prolétaires, et qui devraient être accessibles à toutes et tous. Nous appelons à des débrayages et à des grèves, sans attendre que les centrales syndicales l’autorisent ! Par exemple, si des travailleurs et des travailleuses se voient refuser le salaire ou les heures supplémentaires pourtant gagnés par leur travail, plutôt que d’attendre une meilleure protection juridique de la part du gouvernement, nous devons exiger et obtenir que l’employeur paie ce qu’il doit. Dès aujourd’hui, nous avons commencé à bâtir nos moyens de lutte : les divers collectifs anti-répression dans les grandes villes informent et soutiennent celles et ceux qui participent aux mouvements de contestation face aux représailles judiciaires ; les streets medics se sont regroupé·es et organisé·es pour aider les manifestant·es qui subissent les armes de la police. Les opposant·es à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont réussi à soutenir leur occupation en créant des espaces de vie et de production agricole, esquissant même la société qu’iels souhaitaient voir advenir. Les Gilets Jaunes ont bâti eux-même, sur les ronds-points ou ailleurs, des espaces de discussion et d’organisation qui ont permis à leur lutte d’exister.

Reprendre le contrôle de nos luttes et de nos existences

Dans la réalité, les gens ont peur, et c’est compréhensible, d’affronter l’État. Mais l’action directe ne doit pas se résumer à tenter de lancer un affrontement massif pour vaincre le capitalisme d’un seul coup. Les anarchistes pensent effectivement qu’il faudra réaliser une révolution sociale, en se confrontant au capitalisme et à l’État dès maintenant et à tous les niveaux. C’est seulement ainsi que nous pourrons commencer à reprendre le contrôle. Dans les faits, tous les bienfaits que beaucoup croient avoir été inventés par l’État – l’assurance maladie, le droit du travail, les congés maladies, les allocations chômages, les retraites – ont historiquement été mis en place afin de mettre fin à des mouvements d’actions directes collectives qui menaçaient son pouvoir. Par ailleurs, ces « acquis sociaux » sont bien plus des concessions et des compromis entre l’État, la bourgeoisie et les syndicats, que des avancées révolutionnaires émancipatrices, et n’ont été accordés que dans le but de maintenir le statu-quo : c’est a dire l’exploitation des prolétaires au bénéfice de la course sans fin du profit. Loin de marquer une rupture, ces fragiles accommodements n’ont pas freiné et ont même accéléré l’exploitation des humain·es, de l’environnement et des écosystèmes. Les mouvements successifs qui possédaient un potentiel révolutionnaire ont été détournés par les politiciens réformistes en vue de parvenir au pouvoir, avant de bâillonner celles et ceux qui réclamaient plus que les quelques mesures accordées. Nous devons donc entériner le fait que nous n’avons rien à attendre d’aucun parti, fût-il « d’extrême-gauche », ou de ces syndicats qui préfèrent le rôle de « partenaires sociaux ». Nous devons reconstruire des mouvements fondés sur l’action directe, capables d’établir un rapport de force avec le capitalisme, la bourgeoise et l’État ; des mouvements dotés d’outils qui permettent de soutenir ceux qui s’investissent dans les luttes, face à la répression policière et judiciaire, mais aussi face aux difficultés matérielles qu’elles engendrent ; des mouvements qui n’ont pas peur de revendiquer l’abolition de tous les systèmes d’autorité et d’exploitation.
Refusons les élections, ce jeu de dupes ! Auto-organisons nous, dans nos vies, dans nos luttes, vers une émancipation individuelle et collective !
À l’assaut des rêves !

« N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! »

Élisée Reclus. Lettre adressée à Jean Grave, insérée dans Le Révolté du 11 octobre 1885