Pour une société libre (1er Mai 2021)


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Le 1er mai 1886 les travailleurs∙es de Chicago manifestaient déjà pour se réapproprier leurs vies, et lutter pour leurs droits sociaux. Un attentat contre la police, aujourd’hui reconnu comme mené par les milices patronales, justifia l’arrestation et la condamnation à mort de huit syndicalistes anarchistes. Cinq d’entre eux mourront (quatre tués par l’État et un se suicidant). Les trois autres furent condamnés à la perpétuité. C’est depuis lors que ce jour est devenu un jour international de lutte sociale.

Aujourd’hui, tandis que le monde entier doit faire face à la pandémie de Covid -19, de nombreux effets négatifs dans les domaines de la santé, du travail, de la culture, de l’éducation et des droits fondamentaux sont à déplorés. C’est pourquoi, il est plus que jamais nécessaire, au minimum, de manifester.
Si la question des origines exactes du virus n’est actuellement pas encore tranchée, un consensus existe cependant sur le fait que la Covid-19 est une conséquence des dérèglements et de l’exploitation à outrance du monde vivant provoqués par les sociétés capitalistes. Elle est donc bien une maladie du Capitalocène.
Pourtant, tous les gouvernements s’accordent afin de sauver le système capitaliste… quitte à prendre des mesures incohérentes sur le plan sanitaire. Peu importe le coût humain, tant que la croissance économique est sauvée ! La logique économique s’impose déjà sur la raison sanitaire et c’est ainsi que les économistes patenté·es se transforment en épidémiologistes averti·es.
Pire encore, le recours aux banques centrales pour financer la relance du système capitaliste va finir d’entériner l’état de surendettement permanent de l’économie mondiale et va laisser une ardoise abyssale aux générations futures. En fait cette crise n’a fait que mettre en avant les limites et les conséquences désastreuses de décennies de politiques libérales menées pour le seul profit des intérêts capitalistes. Mais qu’on se rassure, Bruno Lemaire l’a promis en janvier : « Nous n’augmenterons pas les impôts des Français »…
Nous ne sommes pas dupes et nous savons bien qu’en dehors des impôts il existe de très nombreux leviers à leur disposition pour nous faire trinquer : bien évidemment, les premières victimes de cette crise économique sont les précaires.
Avec la réforme de l’assurance chômage qui prévoit l’allongement de la durée de travail nécessaire et la modification du calcul du salaire journalier de référence en y intégrant désormais les périodes non travaillées, donc non rémunérées, c’est plus d’un million de chômeur·euses, qui vont voir leurs allocations chômage baisser de 20 % en moyenne. Et que dire encore de la réforme des retraites, que l’on sent petit à petit pointer à nouveau le bout de son nez après une hibernation de circonstance ?
De la même manière, la marchandisation du secteur médico- social et le développement de politiques d’austérité qui l’accompagnent ont pour conséquences la dégradation des conditions d’accueil et de soins de l’hôpital public et le contrôle social des demandeur·euses d’emploi, mineur·es isolé·es, et des familles à la rue.
De plus, tandis que les grands magasins et les lieux de culte sont ouverts, les musées, les théâtres et les salles de concert restent fermés. La vie culturelle est déportée derrière les écrans. Or la médiation numérique ne fait qu’escamoter l’absence croissante de relations effectives entre les gens. Il est donc primordial de soutenir la vie culturelle vivante comme dimension essentielle de nos vies.
D’ailleurs, dans le domaine de l’éducation, c’est cette solution numérique qui a également été privilégiée. Les enfants passent leurs temps derrière des écrans au nom de la continuité pédagogique en s’égarant dans l’aliénation de l’image, pendant que leurs parents doivent faire du foyer familial le siège de leur entreprise, lorsque leurs activités peuvent se réaliser en télétravail. Entrainant souvent un renforcement du rôle domestique des femmes qui ont dû supporter la charge supplémentaire des activités ménagères et affectives en plus de leur journée de travail, ainsi qu’un accroissement flagrant des inégalités entre élèves.
Ces choix politiques et économiques s’imposent de la pire des façons, par l’arbitraire, l’autorité et la violence. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les dirigeant·es nous imposent des règles de plus en plus restrictives en affirmant un état d’exception bientôt permanent et en prônant la résilience face au désastre. Avec sa loi « Sécurité Globale », le gouvernement français s’attaque très gravement aux libertés fondamentales. Il cherche tout d’abord à dissuader de filmer l’action de la police, ce qui entraverait la liberté d’informer et d’être informé et invisibiliserait davantage les violences policières. Mais l’ensemble de la loi élargit de manière indiscriminée les pouvoirs de surveillance de la police, en généralisant l’usage des drones et de caméras-piétons, dispositifs pouvant être reliés à des logiciels de reconnaissance faciale qui annihilent toute notion de vie privée dans l’espace public. Ce texte, avec le projet de loi « Confortant les principes de la République », les décrets élargissant le fichage politique ou les récentes attaques contre les libertés académiques, est le symbole d’une évolution d’un état de droit (soit-disant) vers un état de police (assumé), dans lequel le•a citoyen•ne est considéré•e comme une menace et dont les tenants de la droite la plus dure rêvent depuis des années sans s’y risquer ouvertement
Cette situation n’est pas propre à la France mais, partout dans le monde, des luttes s’organisent et des combats se mènent afin que nous ne vivions pas dans des sociétés de culpabilisation, de contraintes et de répression. C’est pour cela que notre analyse n’est pas patriotique, nationaliste ou régionaliste. Elle est internationaliste et clairement anti-identitaire.C’est pourquoi nous nous déclarons solidaires envers les insurgé·es zapatistes, libanai·ses, indien·nes, grec·ques et toutes celles et ceux qui luttent pour la liberté et l’égalité sociale, ici et ailleurs.
Alors qu’on nous refait le coup des élections régionales et départementales, nous réaffirmons notre refus de la représentation politique qui implique la confiscation de la parole de l’individu, qui s’oppose à la possibilité pour les opprimé·es, de se représenter eux-mêmes. Nous refusons de participer à cette mascarade électorale car cela impliquerait un renforcement de la légitimité du système dominant. Nous, anarchistes, considérons que la société est capable de s’autogérer pour administrer collectivement la vie sociale.
Toutes ces raisons rentrent en résonance également avec la situation des communard·es de 1871 qui se sont battu·es il y a 150 ans pour un monde plus juste et cela justifie plus que jamais notre mobilisation d’aujourd’hui.
Les luttes pour la défense des droits des travailleur·euses menées par les syndicats est fondamentale. Mais nous ne devons pas oublier que le 1er mai est aussi porteur d’idéaux anarchistes qui vont plus loin que la simple revendication de nouveaux droits ou leur défense. Il s’agit pour nous de porter une vision résolument anarchiste de la société. C’est pourquoi nous sommes pour une révolution radicale et globale, à la fois économique et sociale ; pour détruire la société fondée sur la propriété privée ou étatique des moyens de production et de consommation ; pour la suppression de toutes les formes d’exploitation, de hiérarchie, d’autorité tel que le racisme, la religion et le patriarcat. Il s’agit, dans le cadre d’une société libertaire, non pas de gouverner les femmes et les hommes mais d’administrer les choses au profit de la collectivité toute entière.

Nous voulons construire une société libre
sans classes ni États,
sans patries ni frontières,
et sans domination.

La Révolution n’est pas une utopie : elle est une nécessité.